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Laissez-vous tenter par l'une de mes dernières lectures dont j'ai laissé le billet derrière moi !

Envie de nouveau ?

Laissez-vous entraîner dans le flot d'écriture des ateliers avec la communauté de bloggueurs !

Bonne lecture(s) ;)

jeudi 30 juin 2011

Citation du jeudi

Aujourd'hui c'est citation du jeudi sur Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable de Romain GARY.



Il ne s'agit pas d'un plaidoyer dans ces pages. Ce n'est pas non plus un appel au secours et je ne mettrai pas ce manuscrit dans une bouteille pour le jeter à la mer. Depuis que l'homme rêve, il y a déjà eu tant d'appels au secours, tant de bouteilles jetées à la mer, qu'il est étonnant de voir encore la mer, on ne devrait plus voir que des bouteilles.

mardi 28 juin 2011

Chapitre 21. Le roman de la pétasse

Me revoilà d'attaque après une - relativement - petite période de désertion ...

Malgré tout, j'ai eu le temps de lire deux ou trois trucs mais comme d'hab' au lieu de piocher dans ma PAL il a fallu que je sorte un vieux truc poussiéreux de 2002 ...

Vous allez rire mais tant pis : Hell de Lolita Pille qui a été - naturellement - suivi de Bubble Gum.

Prose provocante, écriture enlevée traversée de fulgurances, furieux, cynique, violent, drôle, dramatique. Ce livre est tout un tas de choses à vrai dire. Pour un premier roman, on ne va pas trop blâmer la jeune demoiselle qui s'en sort tout de même de façon honorable par la qualité de l'écriture et la finesse de la critique.
Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est l'histoire d'une gosse de riche qui crache dans la soupe avec une bonne de répartie qui claque comme des slogans publicitaires. Dotée d'un dose de méchanceté tout à fait rebondissante, purement matérialiste et futile, elle auto-critique (puisqu'elle fait elle-même partie de la jeunesse dorée friquée) la dure vie des riches et fait le consternant constat de la vacuité de sa personne et de son existence. 
Alors oui il y a du vocabulaire et de la culture, ce n'est certes pas la dernière des incultes mais le livre tire en longueur et comporte tout de même des passages relevant davantage du platonique que de l'excitant ! Le deuxième opus de Mademoiselle Pille n'est rien de moins qu'une répétition du style, la continuité de son exploration haineuse de la population friquée. Elle s'enlise dans le genre et nous enfonce encore un peu plus dans la torpeur. Néanmoins, Bubble Gum a un petit plus quant à son prédécesseur : une chute surprenante (mais très peu réaliste avouons le).

Dans la finalité, je salue tout de même le choix du genre qui est un peu novateur, on peut le dire avec une bonne plume. Mais point trop n'en faut dirons nous ! On a retenu la leçon, et puis que nos parents se rassurent, à 600 balles la coke, on préfère faire semblant avec de la maïzena !

Je conseille donc la lecture de Hell pour son rayon perso de culture gé mais Bubble Gum n'est pas indispensable.


vendredi 24 juin 2011

Des mots, une histoire - III

Salut les amis !


Voici ma participation du jour à l'atelier d'Olivia - tardive, je vous l'accorde. Une idée qui m'est venue tôt ce matin et qui est restée toute la journée même si le sujet est un peu glauque, mais bon, y a des fois comme ça ...

L'atelier, c'est toujours en cliquant sur l'image, bonne lecture ;)


Zire se tenait là, debout, immobile, au milieu de cette rue pourrie où tout sent mauvais. Les vieilles maisons à moitié en ruines à peine plus grandes que des caravanes, les eaux sales qui ne s’écoulent plus depuis longtemps, les tas de poubelles qui débordent et qui recouvrent le bitume, les chiens abandonnés infestés de puces qui vont de jardins en jardins. Pas d’argent pour nettoyer le quartier, pas d’argent pour éduquer les jeunes. Zire le sait, c’est pour ça qu’il a quitté l’école à seulement quatorze ans pour son premier petit boulot, dealer. Toute une civilisation qui s’engouffre dans le chaos. Lui le premier, il a vendu son âme à Beaver. Beaver lui a appris comment tenir une arme, comment terroriser les gosses et les mamies à la sortie du supermarché : « vide tes poches Mémé et sois sage où j’te donne un ticket gratos pour le cimetière, vu ? ». Zire entendait les sirènes hurler au loin, déchirant la nuit mais prolongeant le quotidien des habitants de la Zone. C’est comme ça qu’on l’appelle ici le quartier, la Zone, parce que c’est infesté de partout et les gens ils font que « zoner » toute la journée. Les flics se rapprochent, leurs gyrophares dessinent des kaléidoscopes de lumière dans le ciel mais Zire reste là, les yeux fixés, le bras tendu avec son flingue dans la main. Si Zire bouge, c’est Beaver qui le chope et qui le défonce. S’il reste c’est les flics. Il sent ses pensées s’entrelacer comme un écheveau mais rien ne se démêle. C’est foutu. Quoi qu’il fasse il est foutu. Y a un mec qui passe. Il s’arrête derrière un arbre pour observer et il fout le camp. Ici c’est comme ça, personne pour t’aider, personne qui dit rien, tout le monde qui s’en fout. Zire a le bras qui tremble. Il a peur, ça faisait belle lurette qu’il a pas senti la peur lui retourner les boyaux. Il contemple l’inscription sur son bras : « Tue ou meurt. » Ce tatouage, c’est Beaver, quand il lui a appris qu’ici y’a que deux solutions : soit tu pointes une arme soit tu te fais pointer. Et vaut mieux la première situation, sinon t’es un homme mort. Le vent se lève, le coq en plastique sur la boîte aux lettres du Rital à trois mètres se met à claquer. Le bruit retentit dans la tête de Zire. C’est des coups de feu, il n’entend plus que ça. Pan ! Pan ! Zire a cru que c’était un mac en rage à cause de la Coc’. En ce moment c’est la misère, même les dealers y trouvent plus de stup’ convenables. De l’avoine, c’est comme ça que les clients appellent ça quand elle est pas bonne : « Hé mec ! Tu crois qu’tu vas me r’filer ton avoine comme ça ? ». Ca y est les flics sont là. « Bouge pas, lâche ton arme » qu’ils disent. Mais eux non plus ils bougent pas. Ils sont trop dégoutés du spectacle. Dans le rayonnement des phares, la tâche de sang est énorme. Y en a partout autour de Zire. Mais il peut pas regarder, son regard est figé sur le goudron. Il y a le gilet en dentelle qui s’est défait, dedans c’était un pauvre poney en peluche qu’était enroulé, pas une arme. Zire a cru que c’était un client avec un flingue venu lui faire la peau. Mais c’était juste une gosse de six ans qui rentrait chez elle.



dimanche 19 juin 2011

Atelier du dimanche - III

Salut les amis !


Voici mon nouveau texte en rapport avec l'atelier d'écriture de Gwen. Bonne lecture ;)

L'atelier c'est en cliquant sur la photo.


La consigne (et c'est moi qui l'ai soufflée à Gwen cette fois !) :
On a tous été à un moment donné assis sur un banc quelque part. L’exercice du jour consiste à raconter une histoire, vécue ou non, qui se déroule sur un banc avec les mots en gras dans le texte.



Chaque jour depuis qu’elle avait emménagé dans cette ville, Jo courait dans le parc. Elle courait comme un vaillant petit soldat vers les coups de onze heures et ne s’arrêtait qu’une fois ses sept kilomètres parcourus. Ce qui l’avait avant tout charmée en achetant son loft ici, c’était l’immensité du parc qui s’offrait à ses pieds lorsqu’elle sortait à son balcon. Cela lui rappelait sans doute un peu la vie trépidante qu’elle avait menée à New York lorsqu’elle habitait à deux coins de rue de Central Park. Jo s’était toujours félicitée d’avoir brillamment mené sa vie : après des études acharnées largement récompensées d’excellents résultats, elle avait décroché un poste non négligeable dans une compagnie financière et avait rapidement  gravi les échelons. Partout où elle passait, le monde était à ses pieds. Elle était douée et le savait, c’est pour cela qu’elle mettait toujours la barre au plus haut et qu’elle en était arrivée là à un si jeune âge. Sa carrière était toute sa vie. C’est pour cela qu’elle avait accepté de revenir quelque temps en France, pour assurer un rôle important qui lui vaudrait une renommée inégalée dans son domaine. Elle serait la Numéro Une, elle deviendrait immensément riche et respectée.
S’il y avait bien un seul loisir qu’elle s’accordait, c’était le jogging. Elle gouvernait son corps avec la même rigueur que sa carrière et savait pertinemment qu’elle n’était pas en mesure de s’octroyer quelque écart que ce soit. Son dressing représentait à lui seul plus de quarante pour cent de l’espace de son loft et elle ne connaissait pas de plus grand plaisir que d’enfiler une robe fourreau à martingale vertigineusement échancrée lors d’une cérémonie officielle de sa boîte. Le plaisir n’en était que plus grand de savoir que quelques contrats supplémentaires étaient à la clé après avoir ondulé aux côtés de clients importants. Oui, Jo ne raterait pour rien au monde sa séance quotidienne de jogging. Elle avait d’ailleurs toujours été claire avec ses employeurs sur ce point. Elle ne demandait qu’une heure de libre par jour : entre onze heures et midi. Les vingt-trois autres étaient entièrement dédiées à l’entreprise.
Jo courait. On était samedi matin et le parc était bondé de monde. Le soleil était au rendez-vous et le printemps était arrivé. Tout le monde en profitait pour mettre un peu le nez dehors. Jo détestait ça. Elle ne supportait pas de voir cette population oisive qui ne faisait que la déranger dans son activité favorite. Elle ne supportait pas non plus la vision des couples enamourés qui s’enlaçaient sur des nappes de pique-nique, les enfants braillant et ne regardant pas autour deux, les mères rondouillettes vautrées sur les bancs à cancaner avec les voisines des derniers potins … Jo se félicitait réellement de ne pas avoir de vie sociale, elle échappait à tout cela et n’en était que plus heureuse. Dans ses divagations, elle ne fit pas attention à la corde à sauter qui traînait par terre et trébucha. Elle sentit une douleur lancinante lui remonter la jambe et pour la première fois depuis une éternité, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle se releva péniblement et sauta à cloche-pied jusqu’au banc le plus proche. Elle se massa la cheville et aperçut une main dotée d’une chevalière en or se tendre vers elle. Elle releva la tête et un jeune homme en costume sombre lui adressa un sourire.
« Tout va bien ? Je vous ai vu tomber, c’est une belle chute que vous avez fait là. En tout cas bravo, vous vous êtes bien rattrapée mais je crois que cette blessure mérite d’être sérieusement examinée. Je m’appelle Bertrand, vous me laissez jeter un coup d’œil ? »
« Vous êtes Docteur peut-être ? Non, alors fichez moi la paix, je ne vous ai rien demandé ! »
Le jeune homme prit un air courroucé et observa quelques secondes Jo ne sachant comment réagir. La douleur la faisait peut-être dire des choses qu’elle ne pensait pas et avait peut-être un peu honte d’être vulgairement tombée sur une corde à sauter. Mais en scrutant son regard, il comprit que ce n’était pas la peine d’insister et disparu aussitôt.
Jo était exaspérée de voir combien les hommes se jetaient sur elle pour le moindre prétexte. Elle jura et étendit ses jambes. Elle attrapa la petite gourde fixée à sa ceinture et stoppa la montre chrono fixée à son poignet. Tant pis pour les derniers cinq cents mètres qu’il restait à parcourir, son rythme cardiaque était redescendu trop bas.
Jo n’avait pas fait attention mais le banc sur lequel elle s’était assise était déjà occupé. Une petite vieille se tenait là, roulée dans ses châles avec une paire de chaussons aux pieds. Elle était toute petite, ses pieds touchaient à peine par terre et elle tenait dans sa main un sandwich de pain de mie qu’elle croquait par tous petits bouts. Posé à son côté, un panier en osier avec du pain dur, une antique radio avec l’antenne tordue qui peinait à émettre une mélodie de charleston, une gourde en aluminium, des boîtes à chat, des feuilles de salade défraîchies et une part de gâteau à la crème plutôt généreuse pour ce bout de femme tout frêle qui semblait déjà rassasié par son sandwich. Il se dégageait d’elle une odeur de vieux. Une odeur caractéristique qui rebiffa immédiatement Jo. La vieille la fixait sans faillir et semblait la détailler sous toutes les coutures. Elle avait l’air intriguée et amusée. Jo se sentit mal à l’aise. Elle aurait voulu lui lancer une phrase, un mot à la figure mais rien ne lui venait. Elle la regardait et elle se sentait lourde sur ce banc comme tassée, enracinée. La vieille continuait de la regarder intriguée en mordant dans son sandwich. Un ballon tomba près d’elles faisant partir à la volée les pigeons qui se régalaient des grosses miettes plus volontairement qu’accidentellement perdues et Jo se leva d’un bond. Elle s’en alla en boitant et se retourna avant d’atteindre le trottoir pour traverser la rue. La vieille avait sorti un tricot et semblait rire en catimini.
Deux mois passèrent et Jo pu constater chaque matin que la vieille était assise sur ce même banc. Elle portait immanquablement sa paire de chaussons et un gros châle beige. Elle était toujours affairée à nourrir des animaux, tricoter un brocart, lire un journal avec d’énormes lunettes rondes … et elle mangeait toujours quelque chose. Jamais, pas un seul jour de mauvais temps ou un dimanche la vieille n’avait manqué à l’appel. Et à chaque fois que Jo passait de l’autre côté de la mare aux canards elle s’arrêtait une minute pour l’observer. Elle se persuadait qu’elle attendait quelqu’un, ou qu’elle partait à un moment de la journée, mais plus le temps passait, moins elle en était sûr. Néanmoins, elle pouvait affirmer avec certitude qu’elle n’était pas à la rue. Ses vêtements étaient toujours lavés et repassés et elle était toujours coiffée convenablement, une broche retenant la maigre masse de cheveux blancs. Et ce dont elle était également certaine, c’est que cette petite dame lui procurait un étrange sentiment qu’elle ne connaissait pas. De la mélancolie, de la tristesse peut-être ? Son cœur se serrait à chaque fois qu’elle l’observait et il était même arrivé au bout d’un certain temps qu’elle ait envie de s’approcher pour adresser une parole gentille, lui proposer une pièce. C’était de la pitié, Jo avait pitié. Mais elle ne savait pas pourquoi. Elle l’avait surnommée, la Tortue. Elle trouvait qu’elle ressemblait à une tortue : lente, fatiguée, discrète, ridée, avec des toutes petites guibolles … et elle avait ces mêmes petits yeux noirs et perçants qui semblent supplier à tout instant. L’esprit de Jo était de plus en plus accaparé par cette petite vieille qu’elle s’était surprise lors d’une réunion à ne plus écouter, ce que son boss avait immédiatement remarqué. Préoccupé par son comportement de plus en plus rêveur et morose, il l’avait convoquée et avait exigé qu’elle prenne une semaine de repos. Jo était restée trois jours à tourner en rond dans son loft. Elle n’était même pas allée faire son jogging. Elle s’était torturée l’esprit à a la recherche d’une chose à faire. Elle avait alors admiré le vide qui remplissait sa vie : pas une photo n’était accrochée au mur, sa messagerie personnelle était irrémédiablement vide, elle n’avait pas un DVD, pas un livre, pas une idée des films à voir au cinéma ou de la façon de concocter un bon petit plat. C’est simple, elle n’avait même pas de casserole ou de poêle chez elle. Elle était incroyablement seule. Elle finit par dénicher le seul Blue Jean qu’elle possédait, l’enfila et sortit. Elle marcha jusqu’au parc et chercha la Tortue. Elle était bien là, fidèle à son poste. Jo s’avança et alla s’assoir au banc. La vieille ne la regarda pas, elle continuait de compter les mailles de son tricot. Quelque minutes s’écoulèrent et Jo lança :
« Vous portez toujours des chaussons ? »
« C’est très confortable, pourquoi je porterais des souliers ? »
Jo sourit. Pour la première fois depuis longtemps.

vendredi 17 juin 2011

Des mots, une histoire - II

Salut les amis !
Vous trouverez ma participation du jour à l'atelier d'Olivia ici !


landau – casser – postillon – balançoire – lancinant – cerise – luminosité – lenticulaire – scruter – frôlement – fromage
Aujourd’hui est un grand jour pour Barbara. Jeune diplômée, elle vient enfin de décrocher un entretien avec le DRH d’un grand groupe de chaîne de restauration. C’est la chance de sa vie, l’occasion de donner une belle impulsion à sa carrière, de s’assurer d’un avenir prospère. Après les notes excellentes obtenues quelques jours plus tôt à la remise des diplômes, c’est tout simplement la cerise sur le gâteau. Rien ne saurait la rendre plus heureuse que de décrocher ce job … mais encore faut-il le décrocher justement ! Voilà trois jours que Barbara n’a pas fermé l’œil et qu’elle tourne en rond chez ses parents, révisant encore un peu ses cours de management avant l’heure fatidique.
Elle se tient là, devant l’enseigne d’un rouge flamboyant, éblouie par la luminosité du soleil. Quelques hommes pressés en costume lui lancent un regard lancinant tandis qu’elle reste bêtement plantée là. Elle reste d’ailleurs plantée tellement longtemps qu’elle ne s’aperçoit pas que l’heure tourne et c’est avec une heure de retard qu’elle se présente à l’accueil, le teint rouge de honte. Après s’être répandue en excuses, Barbara est emmenée dans une salle garnie de canapés en cuir noir avec des tables basses d’un blanc immaculé. La salle est immense, il y a des dizaines, peut-être même des centaines de portes qui s’alignent de toutes parts.
« Monsieur Gaston vous attend. Allez-y. »
Barbara acquiesçe et se dirige vers la première porte, qui est close. Elle se retourne pour demander de quelle porte il s’agit mais l’hôtesse d’accueil a disparu. Elle sent son estomac se tordre dans tous les sens mais parvient à garder son calme. Elle se met à scruter la pièce immense et se dirige vers la porte suivante. Elle n’a pas remarqué en arrivant dans la pièce le grand miroir qui se tient au milieu et aperçoit à la volée son profil. Elle s’arrête net et s’approche. Elle est horrifiée de découvrir que son visage est en proie à une irruption cutanée : un amoncellement de tâches lenticulaires de couleur rouge vif recouvrent sa figure. Elle veut mettre du fond de teint pour couvrir du mieux possible ce qui peut l’être mais elle s’aperçoit à grands regrets qu’elle a du oublier son sac à main à la réception car elle ne l’a plus avec elle. Ne sachant malheureusement plus par quelle porte elle est entrée elle continue à actionner la poignée de chacune d’elles, jusqu’à trouver une serrure ouverte. En ouvrant la porte, elle découvre une balançoire, un parc de jeux, une table à langer et un landau dans lequel se trouve un bébé qui pleure. Ne pouvant décemment pas le laisser là, elle le prend dans ses bras et à ce moment-ci surgit Monsieur Gaston derrière Barbara.
« Ah, Mademoiselle Ficioni, cela fait deux heures que je vous attends. La ponctualité est une des bases de notre métier sachez-le ! »
« P-p-p-ard-d-on. » Barbara sentit l’angoisse monter en elle, les mots restaient coincés dans sa gorge et elle se mettait à envoyer des postillons dans toutes les directions sans qu’aucune raison ne le justifie.
« Excusez-moi, c’est votre enfant ? On vous avait pourtant prévenu que ce n’était tout simplement pas possible pour nous d’embaucher une femme avec un enfant en bas âge ! »
Barbara posa l’enfant dans le landau et s’approcha du chargé du recrutement pour lui serrer la main. Tout en tendant le bras et à sa grande stupéfaction, une odeur nauséabonde se dégagea de son corps, ce qui n’échappa pas à Monsieur Gaston.
« Mon Dieu, je déteste le fromage, c’est une horrible odeur. J’espère que vous comprenez bien que ce n’est pas possible de vous engager. Une odeur tellement pestilentielle, ce n’est pas humain ! »
Et pour couronner le tout, Barbara s’entendit dire presque comme un réflexe « Cool, jpeux m’casser mec ? »
C’en était trop, Barbara aurait voulu mourir. Elle sentit un frôlement à son pied qui la fit sursauter.
Elle était dans son lit, son chat était venu se lover à ses pieds. Elle regarda son réveil. Dans moins de cinq heures, elle avait rendez-vous pour son entretien.



1000 visiteurs

Ça y est, mon blog a franchi la barre des 1000 visiteurs, et ça croyez-moi, je ne m'y attendais pas de sitôt !
Je vous remercie donc tous très chaleureusement de votre assiduité plus ou moins forte et tout particulièrement Asphodèle qui m'a donné un petit coup de pouce pour m'intégrer dans la blogosphère littéraire ;) Mais pas de jaloux, vous êtes tous un peu acteur de ma notoriété et bien que je rougisse un poil devant les blogueurs géantissime que vous êtes, on est tous passé par le début avec une explosion de joie quand les premiers commentaires sont arrivés !

Merci donc à tous et à bientôt sur la blogosphère !

Une photo du jardin rien que pour vous :)

dimanche 12 juin 2011

Atelier du dimanche - II

Salut les amis !


Voici mon nouveau texte en rapport avec l'atelier d'écriture de Gwen ! Bonne lecture ;)

L'atelier c'est en cliquant sur la photo.




Et si votre paire de chaussures préférée prenait la parole, quel voyage fait ou rêvé nous raconterait-elle ?

Le texte qui suit est le récit d'un voyage réalisé en 2006. J'avais 15 ans.


Avant toute chose, il faut  vous dire que je suis une paire de basket Adidas Superstar. Je suis blanche avec des rayures rose fluo. Enfin blanche, plus vraiment. Cela fait des années que ma propriétaire me trimbale. Je suis tellement abîmée qu’elle a collé du pansement dans le fond de ma semelle pour ne pas meurtrir ses pieds. J’ai aussi perdu mes lacets d’origine. Ils ont été remplacés par deux lacets différents dans des teintes bariolées qui s’accordent avec mes rayures, ce qui leur donne un look un peu « skatteur ». Je ne peux  même pas dire depuis combien de temps elle me possède … c’est tellement loin que je la remercie de m’avoir abandonnée dans le placard à chaussures il y a de ça maintenant deux ans. Ce n’est pas que je ne suis plus en bon état, je pourrais sûrement encore servir un peu - sans toutefois avoir la splendeur  que j’arborais au début, mais je pense que si elle ne s’est pas séparée de moi, c’est pour tous les souvenirs que l’on a ensemble. Je fais un peu partie d’elle maintenant, et je lui rappelle quelle ado elle était avant de s’effacer derrière des tailleurs noirs et des talons aiguilles … S’il y avait bien une histoire à raconter que l’on ait partagée ensemble, ce serait bien Berlin. Nous sommes parties un soir de Paris Est à bord d’un train de nuit pour arriver treize heures plus tard à la Gare Centrale de Berlin. Je me souviendrai toujours de cette nuit. Quand on est entré dans le compartiment couchette, il y avait deux Allemands avec un accent à couper au couteau. Ni une ni deux, quand le composteur est arrivé pour voir si tout se passait bien, on a demandé un compartiment libre, et ça n’a pas été facile puisque lui-même ne parlait pas un mot de français. Mais on a eu ce qu’on voulait. Le plus terrible s’était de voir Maman sur le quai qui pleurait des litres entier de larmes. Et nous, on faisait pareil. Quinze ans, seule, une nuit dans un train avec une foule d’Allemands, deux mois dans une ville inconnue remplie d’inconnus. Je peux vous assurer que je n’ai pas dormi et que j’ai longtemps croisé les doigts pour arriver à destination en un seul morceau.
J’ai été surprise à mon arrivée de constater que les températures étaient encore très fraîches pour un début de mois de mai … je ne réalisais pas encore que l’on était beaucoup plus au nord qu’en France et qu’il fallait d’ailleurs changer l’heure de ma montre. Birgit m’attendais sur le quai avec un bouquet de muguet défraîchi : avec le voyage de nuit, j’avais oublié de leur préciser que le jour de départ et celui d’arrivée n’était pas le même … ce qui lui a valu de m’attendre une bonne heure entière sur le quai la veille de mon arrivée, persuadée qu’il m’était arrivé un malheur pendant le trajet. Inutile de préciser comme j’étais monstrueusement chargée de valises et combien il fut difficile de rallier les dizaines de kilomètres séparant la maison de la gare, à pieds.
La chose qui fut sûrement la plus stupéfiante a été de découvrir ma chambre : sans aucun doute j’étais tombée en pleine Terre du Milieu. Ma correspondante, Rieke, était tout simplement une Elfe dans la vie de tous les jours. C’est ainsi que j’ai côtoyé Legolas pendant deux mois dans une église elfique remplie de bougies et d’écritures bizarres. Sans oublier le rituel du dimanche qui consistait à réunir la fratrie berlinoise de la Terre du Milieu dans une taverne digne de ce nom : il m’était toujours difficile de déterminer quels étaient ceux qui étaient réellement déguisés en nains et ceux qui ressemblaient à des hobbits parce qu’ils ne s’étaient pas lavés depuis un certain temps un peu trop long. Néanmoins, j’ai été ravie de jouer au bowling avec des oreilles pointues en robe qui s’interpelaient dans un langage suspect, surtout après quelques litres de bière (n’oublions pas que l’on parle d’Allemands !). Je n’oublierai jamais la version d’Elrond avec des dreadlocks !
Les jours ont passé les uns après les autres sans que jamais je ne ressente la moindre nostalgie. Je ne voulais plus partir, j’aurai voulu rester là-bas toute ma vie. Tout était démesurément bien : liberté, indépendance, insouciance … j’avais rencontré beaucoup de nouvelles personnes qui étaient devenues des amis, j’adorais la ville à la fois vivante et très nature, j’étais amoureuse de cette nouvelle vie où il faisait bon vivre et où chaque coin de rue réservait son lot de bonnes surprises. Je vivais sans me soucier du lendemain. J’allais simplement à l’école le matin et l’après-midi, comme tout écolier allemand, je profitais de la vie. Pour la première fois, je faisais de l’escalade. C’était une drogue. On y allait tous les après-midi. Et le soir, on festoyait. Il faisait beau, il faisait chaud, et nous, les trois Françaises, on était les coqueluches des Allemands.
D’ailleurs, la meilleure des choses qui me soit arrivée, ça a été la rencontre avec Mathilde et Amélie, deux Orléanaises qui comme moi étaient venues s’échouer à Berlin City.
Des deux, Mathilde est devenue ma meilleure amie. Il ne se passe pas un jour sans que je pense à elle, même si aujourd’hui, environ mille kilomètres nous séparent.
Ce voyage, je ne l’ai pas seulement vécu. C’était aussi un rêve qui prenait vie devant moi. C’était incroyable, la plus belle expérience de ma vie. Je donnerai tout l’or du monde pour revenir en arrière et revivre cet épisode de ma vie. J’aimerais posséder le pouvoir du magnétoscope … rembobiner encore et encore pour repasser toujours ma séquence préférée. Mais je sais que toutes les bonnes choses ont une fin. La cassette finirait par se détériorer et elle ne pourrait plus être visionnée, elle resterait simplement là sur une étagère comme un vestige d’un lointain passé, témoin d’une époque fastueuse. C’est pour ça que j’ai pleuré une journée entière. Le dernier jour à l’école. Et puis quelques-uns sont venus sur le quai pour agiter la main. 
Cette fois ce n’était pas ma mère qui pleurait, c’était moi, c’était eux, c’était nous. 
Je suis rentrée, et j’ai repris ma vie là où je l’avais laissée. 
Mais ça a été dur.

lundi 6 juin 2011

Atelier du dimanche - I

Bonjour à tous (enfin bon, on est au milieu de la nuit ...) !

Vous trouverez ici mon nouveau texte en rapport avec ma participation à l'atelier d'écriture de Gwen.

Et l'atelier pour les curieux c'est en cliquant sur l'image ;)


Tous les jours, vous passez devant cette palissade de planches brutes, recouverte de graffitis et d’affiches déchirées. D’habitude, vous ne faites que la longer mais aujourd’hui – qui sait pourquoi ? – votre curiosité est titillée par un détail et vous avez envie de savoir ce qui se passe derrière. De toute façon, vous avez raté votre bus et personne ne vous attend à la maison. Alors vous cherchez un trou, une fente et vous regardez …


Georges était tout essoufflé en ce matin de printemps. Courir après le bus ce n’était décidément pas son activité favorite : un certain embonpoint et une passion pour des cigares cubains ne l’aidaient en tout cas pas plus que cela. Et pourtant, son chef ne cessait de lui rabâcher qu’il devrait faire plus d’activité physique. « Non mais c’est vrai ! Quel inspecteur de police peut se permettre autant de largesses ? » Et bien, Georges peut-être. Néanmoins, et une fois de plus, sa petite course poursuite avec le bus 28 avait été vaine. Georges était toujours sur le trottoir et complètement désespéré qui plus est. En ce moment, rien n’allait dans sa vie. Son chef se plaignait constamment des maigres résultats de ses enquêtes, sa femme, Josiane, se plaignait de n’être que le deuxième amour de son mari - après la police - et enfin, depuis quelques temps, tout le monde semblait fuir Georges et sa morosité.
C’était donc d’un pas las et résigné que notre ami longeait le trottoir jusqu’à l’arrêt de bus au bout de la rue.
Il s’arrêta et jeta un coup d’œil à sa montre. Neuf minutes avant le prochain ramassage, pas de quoi s’affoler. Il leva les yeux et observa la rue. Avec un profond soupir, il se remit en marche tout en fixant le bout de ses chaussures en cuir noir.
Un adolescent en skate-board déboula du coin de la rue sans crier gare et projeta Georges contre la palissade qui longeait le trottoir, n’évitant le jeune que de justesse. Il fallait l’avouer, il avait fait une belle peur à notre policier décrépi qui se tenait à présent la poitrine, sentant son cœur marteler contre ses poumons. Il laissa un petit rire s’échapper du bout des lèvres et se promit de prêter davantage attention au bout de son nez qu’au bout de ses chaussures à l’avenir ! Il allait tout juste se remettre en marche lorsqu’une voix lui parvînt à travers la palissade de bois sur laquelle il s’était adossé quelques secondes plutôt.
Cela faisait maintenant bien une vingtaine d’années qu’elle se tenait là, implacable et inébranlable. Elle faisait réellement partie de la rue sans que jamais personne ne se demandât qu’elle en était la raison … Mais aussi loin que le lui permettait sa mémoire, Georges n’avait pas souvenir d’avoir déjà entendu une quelconque personne de l’autre côté. Il se mit alors à chercher fébrilement un interstice par lequel jeter un œil indiscret sur la scène qui s’y déroulait. Une fois que la chose fut faite, Georges eut la surprise de découvrir un spectacle déconcertant, il faut bien l’avouer. Il y avait là des petites grues, des tracteurs, des bâches tirées sur des poteaux de bois pour se protéger des intempéries … et tout cela réuni autour d’un mastodonte poussiéreux. Ce que Georges voyait là était un squelette de dinosaure, à n’en pas douter. Mais attention, pas un ayant appartenu à une petite espèce, non, plutôt un diplodocus ou une autre énormité avoisinante. Qu’on se le dise, cela fit un choc à Georges qui se dit finalement que cette rue n’avait pas fini de l’étonner. Le propriétaire du terrain était un sacré veinard ! Mais ce n’était pas tout, Georges devait prendre le bus. Il n’était pas archéologue lui et il avait des plaintes ainsi que tout un tas d’autres réjouissances à traiter. Mais alors qu’il était sur le point de partir, la voix qu’il avait entendu quelques instants auparavant se fit de nouveau entendre. « Je vous ai déjà dit que les os de la tête ne sont pas assez réalistes. Il nous faut un résultat qui soit le plus possible approchant de la réalité et je suis désolé mon cher Michaël mais avec ceci, les experts découvriront immédiatement le pot aux roses ! Comment voulez-vous que ça marche si vous ne faites pas un minimum d’efforts ?! Allez au boulot, refaites-moi ça mieux que ça et rappelez-vous qu’il y un gros paquet de blé à la clé ! »

Georges jubilait. Lui, Georges Meyer, allait enfin voir sa carrière redécoller. Une affaire de faux et tout ce qui s’ensuit. La journée ne s’annonçait pas si mauvaise que ça finalement !


samedi 4 juin 2011

4 & 5 juin 2011

Salut les Amis !

Ce week-end dans mon petit village alsacien c'est la Fête de l'Amitié ! Alors bonne fête à vous tous qui passez par là aujourd'hui (et même dans les jours à venir !).

cette année l'amitié ce sont eux, mes colocataires ;)

vendredi 3 juin 2011

Des mots, une histoire - I

Salut les amis !
Vous trouverez ma participation du jour à l'atelier d'Olivia ici !


non – sobriquet – randonnée – mélancolie – bonjour – ivresse – strigiforme – parapente – pluie - doux – bord – soleil – ennui – bonheur - antichambre – sortilège – morphing
Séraphine, c’est mon ivresse à moi. Sans elle, je ne serais même pas la moitié d’un homme. En fait, je crois que sans elle, sans ce petit bout de femme, je ne connaîtrais pas le bonheur.
Elle se tient là, tout au bord de la falaise, elle n’a pas peur.
C’est le genre de personne qui aime les sensations fortes. Avec elle, je vis à cent pour cent. Le matin parfois, elle se tourne dans le lit et elle me dit « j’ai envie d’aller faire une randonnée en montagne aujourd’hui », et puis à d’autres moments, sans crier gare, elle me lance « du parapente … pas cap’ ? ».
Elle se tient là, couchée dans l’herbe, elle boit le soleil de ce mois de juin déjà trop chaud pour une heure si matinale. Les rayons semblent la caresser, l’enrober de beauté et cela a l’effet d’un sortilège d’amour sur moi. Je sens ce doux plaisir s’insinuer en moi et m’en délecte. Je pourrais rester des heures à détailler chaque partie de son corps. Je pourrais la contempler sans que l’ennui ne vienne jamais s’emparer de moi.
Je lève les yeux et constate qu’aujourd’hui, le temps ne nous permettra pas de faire des folies. Il y a une légère odeur de pluie qui s’installe dans l’air. Je sais que Séraphine aime aussi bien la pluie que le soleil et qu’elle n’aura pas de difficulté à trouver un passe-temps pour la journée.
« Bonjour mon Dadou ! » Elle a remarqué ma présence et me salue en m’affublant de ce sobriquet que je trouve quelque peu ridicule, mais je n’en fais pas cas. C’est une marque de tendresse que j’accepte volontiers car bien que très expressive, Séraphine a tendance à cacher – un peu trop à mon goût – ses sentiments à mon égard.
« Qu’est-ce que tu fais perchée ici ? »
« J’observe la nature. J’ai un dossier sur les strigiformes à bosser pour la semaine prochaine. »
« C’est quoi un strigiforme ? »
« Raahhh laisse tomber ! T’as pris le ptit-déj’ ? Je meurs de faim ! »
« Non pas encore … je t’attendais. »
Elle se lève et se dirige vers notre maison de vacances.
« T’as rangé où mes cartons à dessin ? »
« Dans l’antichambre. »
« Ah bah t’aurais pu me le dire, je les cherchés partout ce matin ! »
Je me mets à ressentir une profonde mélancolie pour ces jours lointains qui ont formé le début de notre relation. Elle était docile, aimante sans aucune condition et elle savait se montrer plus chaleureuse envers moi. Désormais, sa personnalité s’est aiguisée, elle s’affirme davantage par rapport à moi. J’ai l’estomac noué. Je sais que ces jours-là sont révolus et que notre relation se mue continuellement comme un morphing.
Je la rejoins pour prendre notre petit-déjeuner sur la terrasse.
« Hé P’pa, regarde mon croquis de hibou. Il est pas un peu zarbi ? »
Séraphine, c’est ma fille de 17 ans et peu importe où nous mènera notre relation, je l’aimerai toujours autant.

jeudi 2 juin 2011

Citation du jeudi

Aujourd'hui c'est Citation du jeudi sur Embrassez-moi de Katherine PANCOL.


Je respire le soleil et la ville, les odeurs de donnuts qui sortent du coffee-shop voisin, et les bouffées de chaleur moite et moisie qu'exhale la bouche de métro, pas loin. Huit heures du matin. C'est l'heure de la rentrée des bureaux et des hommes gris qui courent dans les rues de Manhattan. Les plus jeunes sont en chemise à manches courtes, les plus âgés en costume sombre. Ils aboient des ordres au téléphone vissé sur leur oreille ou traversent les rues en crabe.
"Il faut prendre le temps, sinon c'est le temps qui vous prend", disait ma grand-mère bohémienne.
J'ai tout mon temps. C'est mon luxe, ma richesse, le temps. Et j'en abuse. J'en fais des bagues et des parures. Je m'y prélasse comme dans un hamac. Je me remplis de temps à perdre, de temps à méditer. Plus je prends mon temps, plus je me remplis de sons, de couleurs, d'émotions, de safran, de piments. Un couple de vieux alcoolos qui picolent sans se regarder, un chien qui gémit comme s'il voulait parler, une petite fille qui tire la langue à un petit garçon dans l'autobus puis remonte sa jupe ... J'ai un grand crayon, un grand carnet dans la tête et je baguenaude en notant tous ces détails qui réapparaîtront un jour prochain dans un livre, sans que je sache comment, sans que je sache pourquoi.

Dans le box voisin, deux mexicaines prennent leur petit-déjeuner. Elles se parlent à peine, quelque mots en espagnol pour demander de l'eau ou une serviette en papier, étalent leurs oeufs au plat sur des toasts briochés, saupoudrent de sucre, mordent sans grâce dans le pain qui dégouline de gras et de jaune d'oeuf. Leurs visages sont plats comme des médailles. Leurs lobes d'oreille pendent, alourdis par des anneaux dorés. Leurs regards ne reflètent rien. Elles ruminent. Leur journée de travail a dû commencer tôt car je sens la fatigue ralentir leurs gestes, une mèche de cheveux tombe dans les yeux de l'une et elle ne la relève pas, un biper sonne à la ceinture de l'autre et elle ne répond pas.
Est-ce qu'elle connaissent la volupté, elles ? Ou le rut bâclé d'un mâle grossier qui désire juste se soulager puis retombe, satisfait, sur le côté ? Est-ce qu'elles supplient, réclament, attendent, palpitent ? Ou se laissent chevaucher, indifférentes, les paupières plombées de fatigue ? Est-ce qu'elles ont déjà franchi la frontière dont on ne revient jamais ? La frontière qui rend tous les autres amants fades et ignorants ?
J’observe le travail lourd de leurs mâchoires et en déduis que non. Elles ne mangeraient pas leurs oeufs au plat comme des automates. Elles ne pourraient pas s'empêcher de penser à la frontière délicieuse en mélangeant le blanc de l'oeuf, le jaune du beurre fondu, la limaille du sucre, le moelleux du pain brioché dans leur bouche mécanique. Elles auraient un petit sourire de connivence avec elles-mêmes, un petit sourire alangui, mystérieux qui marquerait une pause dans le rythme des mâchoires ... un infime temps suspendu qui rejoindrait l'éternité du temps ... allumerait une lueur dans leur face plate ... Elles seraient un tout petit peu reines, avec un début de traîne et une petite couronne en plastique. La volupté, la connaissance de cette volupté, vous rend royale. Elle vous rend belle aussi. Transforme n'importe qu'elle pétasse en une amphore délicate qu'on a envie de profaner.