Aujourd'hui je vous fait partager un petit bijou que j'avais déjà lu il y a un bon bout de temps et que j'ai décidé de remettre sur ma liste de livres à relire.
C'est avec un plaisir couru d'avance que j'ai ouvert Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann SHAFFER et Annie BARROWS.
[Petite anecdote : il faut que je remercie Géraldine d'avoir abordé le sujet vendredi matin pendant notre mise en loge avant de passer sur les épreuves orales de notre rapport de stage.]
Alors, pour résumer la situation, il faut avant tout savoir que c'est un roman épistolaire. Ça peut en arrêter plus d'un, je vous l'accorde, mais là, il ne faut pas s'en tenir aux apparences.
Ce bouquin est une vraie petite merveille. Ça se passe du 8 janvier 1946 au 17 septembre 1946, pendant l'occupation allemande des îles Anglo-Normandes, à Guernesey. Juliet, une auteure britannique, est en quête d'un nouveau sujet pour son prochain livre. Un beau jour (beau je ne sais pas, puisqu'à vrai dire, cela se passe en janvier, donc froid ... sûrement !), un homme écrit à Juliet, lui faisant part de certaines questions concernant un ouvrage trouvé chez lui. Suite à cette demande, Juliet et son nouvel ami vont entretenir une correspondance assidue qui l'amènera plus tard à Guernesey, lieu de résidence de son correspondant. Au travers de sa correspondance avec les différents acteurs de son quotidien et grâce à son séjour dans la Manche, Juliet découvre la vie insolite et attachante que mènent les individus de l'île, ce qui fera d'ailleurs le thème de son livre.
J'y ai tout simplement trouvé du plaisir à travers l'écriture légère agrémentée d'une pointe d'humour. Dans l'ensemble, on se glisse très aisément dans le récit, sans se culbuter sur l'identité des différents protagonistes et leur rôle. Le texte est limpide et soigné et la période historique choisie apporte une note éducative au lecteur. Occasion d'en apprendre un peu plus sur les us et coutumes des occupants et occupés, on assiste surtout à une belle leçon d'humanité dans un contexte difficile tandis qu'aujourd'hui, le maître mot de notre société est "individualisme". L'histoire quelque peu fantasque de ces gens ordinaires est très poignante, elle m'a beaucoup touchée et n'a pas loupé de m'extirper quelques sourires. J'ajouterais que la forme épistolaire n'a fait qu'ajouter charme et consistance au récit, permettant à chaque auteur de s'exprimer à loisir et de mieux dessiner son personnage.
Mon moment préféré : et bien, je ne dirais pas "moment" mais relation puisqu'il s'agit de lettres. Et à vrai dire, j'aime particulièrement la relation que partagent Mark et Juliet.
Pourquoi ? Cette dernière a une telle façon d'envoyer Mark sur les roses, un ton acidulé tout en restant polie et mesurée mais sans pour autant cacher son point de vue. Elle utilise ce ton malicieux et drôle parce qu'elle l'aime tout de même un peu, et c'est ce qui rend leur relation tellement attendrissante à mon goût.
Un exemple :
De Mark à Juliet, 20 mai 1946.
Chère Juliet,
Tu m'as demandé de t'accorder du temps, je l'ai fait. Tu m'as demandé de ne pas mentionner le mot "mariage", j'ai obéi. Et voilà que tu m'annonces que tu pars pour cette île perdue ! Pour combien de temps ? Une semaine ? Un mois ? Pour toujours ? Et tu crois que je vais rester assis à te regarder partir ?
Ton comportement est ridicule, Juliet. N'importe quel crétin verrait que tu essaies de fuir. [...] Nous somme parfaits l'un pour l'autre. Je sais que tu détestes que je t'impose mon avis, mais, cette fois, je sais que j'ai raison.
Pour l'amour du ciel, Juliet, oublie cette satanée île et épouse-moi. Nous y passerons notre lune de miel - s'il le faut.
Je t'aime,
Mark.
De Juliet à Mark, 20 mai 1946.
Cher Mark,
Tu as sans doute raison, mais je pars demain, c'est décidé.
Je suis désolée de ne pouvoir te donner la réponse que tu attends. J'aimerais en être capable.
Je t'embrasse,
Juliet
PS : merci pour les roses.
De Mark à Juliet, 20 mai 1946.
Oh pour l'amour du ciel, est-ce que je peux au moins te consuire à Weymouth ?
De Juliet à Mark, 20 mai 1946.
Tu promets de ne pas me faire la morale ?
De Mark à Juliet, 20 mai 1946.
Pas de morale. Néanmoins, toutes les autres formes de persuasion seront tentées.
Mark
De Juliet à Mark, 20 mai 1946.
Tu ne me fais pas peur. Tu seras au volant, je ne risque pas grand chose.
Juliet
De Mark à Juliet, 20 mai 1946.
Tu risques d'avoir des surprises. A demain.
Mark
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