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jeudi 2 juin 2011

Citation du jeudi

Aujourd'hui c'est Citation du jeudi sur Embrassez-moi de Katherine PANCOL.


Je respire le soleil et la ville, les odeurs de donnuts qui sortent du coffee-shop voisin, et les bouffées de chaleur moite et moisie qu'exhale la bouche de métro, pas loin. Huit heures du matin. C'est l'heure de la rentrée des bureaux et des hommes gris qui courent dans les rues de Manhattan. Les plus jeunes sont en chemise à manches courtes, les plus âgés en costume sombre. Ils aboient des ordres au téléphone vissé sur leur oreille ou traversent les rues en crabe.
"Il faut prendre le temps, sinon c'est le temps qui vous prend", disait ma grand-mère bohémienne.
J'ai tout mon temps. C'est mon luxe, ma richesse, le temps. Et j'en abuse. J'en fais des bagues et des parures. Je m'y prélasse comme dans un hamac. Je me remplis de temps à perdre, de temps à méditer. Plus je prends mon temps, plus je me remplis de sons, de couleurs, d'émotions, de safran, de piments. Un couple de vieux alcoolos qui picolent sans se regarder, un chien qui gémit comme s'il voulait parler, une petite fille qui tire la langue à un petit garçon dans l'autobus puis remonte sa jupe ... J'ai un grand crayon, un grand carnet dans la tête et je baguenaude en notant tous ces détails qui réapparaîtront un jour prochain dans un livre, sans que je sache comment, sans que je sache pourquoi.

Dans le box voisin, deux mexicaines prennent leur petit-déjeuner. Elles se parlent à peine, quelque mots en espagnol pour demander de l'eau ou une serviette en papier, étalent leurs oeufs au plat sur des toasts briochés, saupoudrent de sucre, mordent sans grâce dans le pain qui dégouline de gras et de jaune d'oeuf. Leurs visages sont plats comme des médailles. Leurs lobes d'oreille pendent, alourdis par des anneaux dorés. Leurs regards ne reflètent rien. Elles ruminent. Leur journée de travail a dû commencer tôt car je sens la fatigue ralentir leurs gestes, une mèche de cheveux tombe dans les yeux de l'une et elle ne la relève pas, un biper sonne à la ceinture de l'autre et elle ne répond pas.
Est-ce qu'elle connaissent la volupté, elles ? Ou le rut bâclé d'un mâle grossier qui désire juste se soulager puis retombe, satisfait, sur le côté ? Est-ce qu'elles supplient, réclament, attendent, palpitent ? Ou se laissent chevaucher, indifférentes, les paupières plombées de fatigue ? Est-ce qu'elles ont déjà franchi la frontière dont on ne revient jamais ? La frontière qui rend tous les autres amants fades et ignorants ?
J’observe le travail lourd de leurs mâchoires et en déduis que non. Elles ne mangeraient pas leurs oeufs au plat comme des automates. Elles ne pourraient pas s'empêcher de penser à la frontière délicieuse en mélangeant le blanc de l'oeuf, le jaune du beurre fondu, la limaille du sucre, le moelleux du pain brioché dans leur bouche mécanique. Elles auraient un petit sourire de connivence avec elles-mêmes, un petit sourire alangui, mystérieux qui marquerait une pause dans le rythme des mâchoires ... un infime temps suspendu qui rejoindrait l'éternité du temps ... allumerait une lueur dans leur face plate ... Elles seraient un tout petit peu reines, avec un début de traîne et une petite couronne en plastique. La volupté, la connaissance de cette volupté, vous rend royale. Elle vous rend belle aussi. Transforme n'importe qu'elle pétasse en une amphore délicate qu'on a envie de profaner.

2 commentaires:

  1. Je n'aime plus trop Pancol (pourtant j'ai aimé ce qu'elle écrivait plus jeune !) mais j'adhère à cette réflexion sur le temps !! Complètement même !! :D

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  2. C'est vrai que là je peine un peu à terminer le livre ... C'est long, très descriptif par moments et il n'y a pas assez d'action ! Par contre j'adore vraiment la série avec Joséphine et Cie bien que le dernier bouquin de la saga ne m'ait pas trop plu (je trouve qu'il est un peu trop dans l'esprit de Embrassez-moi ...). Mais en tout cas, quand je lis Embrassez-moi, j'ai tout le temps envie de citer des passages parce que c'est que de la réflexion tout le temps en fait !

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