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jeudi 14 juillet 2011

Chapitre 22. Préoccupation masculine

Comme promis, j'ai attendu le 14 juillet pour rendre ma copie sur Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable de Romain GARY et ce dans le cadre d'une LC avec Asphodèle, Martial, Mazel et Sèv.

Il faut que je vous avoue que c'est ma première expérience avec GARY, notamment grâce à Asphodèle qui m'a longuement parlé de lui et qui m'a donné envie de participer à cette LC voyant que Madame aimait beaucoup de Monsieur :)

Pour vous situer l'histoire, nous sommes dans les années 1960 et le personnage qui raconte son histoire est Jacques RAINIER, un homme de 60 ans avec une brillante carrière derrière lui et à la tête d'une entreprise non négligeable.

Oui mais voilà, la bourse lui donne des sueurs froides car sa boîte perd de la valeur sur le marché et lui-même commence à sentir qu'il vieillit et que sa forme physique n'est plus celle de ses jeunes années, notamment concernant ce qu'il y a dans le fond de son slip ...

Alors, oui, en plus du titre évocateur, l'histoire peut prêter à sourire, surtout si l'on considère qu'aujourd'hui des petites pilules bleues règlent le problème en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Cela paraît certes dérisoire et ne mérite peut-être pas pas aux yeux de certains qu'on y prête attention, mais étant de la plume de GARY, on ne doute pas un instant que la lecture ne vaut pas le détour.

Il est vrai que j'ai eu du mal à me glisser dans le livre avec un début un peu poussif concernant les déboires de Jacques et son ami Dooley, magnat de l'industrie qui représente aux yeux de Jacques tout ce que l'Amérique offre de décadent. Les voilà lancés dans un débat pour sauver Venise de son naufrage assuré dans les eaux de la Méditerranée et de la nécessité de redresser la Tour de Pise. Mais au fur et à mesure que les pages se tournent, on se laisse captiver par les inquiétudes grandissantes qui naissent en Jacques. Dooley le premier lui met la puce à l'oreille et tout bascule en lui : j'ai perdu au moins deux centimètres en un an et je ne durcis plus complètement. Oui, mon vieux, c'est comme ça. On y passe tous, y a pas de bon Dieu. En 1944, je débarquais en Normandie, à Omaha Beach, sous les mitrailleuses, je libérais Paris ; vous, vous étiez un héros de la Résistance, colonel à vingt-six ans dans le maquis ; et maintenant, on ne peut plus bander. Vous ne trouvez pas ça dégueulasse ?
Peu à peu on se laisse prendre par le rythme de GARY, par un récit riche en réflexions personnelles dont on se doute d'ailleurs que ce sont les propres pensées de GARY qui se couchent sur le papier page après page puisque celui-ci avait le même âge que Jacques lors de l'écriture. On assiste presque à un dédoublement de personnalité avec un Jacques intérieur qui vit et qui souffre de ce mal-être devenu omniprésent et se tourne lui-même en dérision, et puis il y a le Jacques extérieur qui observe sa marionnette intérieure et qui voit les choses davantage objectivement. Il est plus à même de prendre les décisions et entre sans cesse dans un débat féroce, cruel avec le Jacques intérieur.

On prend pleinement mesure des tourments qui l'envahissent et d'un sujet dérisoire on aboutit sur un sujet cruel qui est la vérité pour tous les hommes. C'est une véritable mise à nue, sans détours, très crue, à la fois sensible et humiliante. L'aube d'un changement important pour le héros qui fait un constat sur sa propre vie et se retrouve devant un mur qu'il se sait incapable de franchir, d'où la richesse du texte et des réflexions.

Il y a également la présence de sa jeune maîtresse, Laura, de trente-six ans son aînée qui agrémente la vie de Jacques. Elle représente à ses yeux un amour presque impossible mais un amour fort et débordant qui se construit dans la réciprocité. Seulement, sentant sa chute arriver, étant conscient d'avoir égrainé chaque seconde de son apogée sexuelle, il sait qu'il est sur le déclin et se sent l'obligation de la quitter plutôt que de lui offrir une maigre pitance. Il y voit un geste de gentleman et va même pousser l'acte jusqu'à envisager le suicide.

Finalement, sauvé par Laura, Jacques parvient à une certaine rédemption. Il prend pleinement conscience que la Tour de Pise ne pourra jamais être redressée et accepte l'homme qu'il est devenu. Je n'ai jamais vu aussi clairement en moi-même qu'en ce moment, où je ne vois plus rien.
Attention gare aux âmes sensibles. GARY ne mâche pas ses mots. Mais dans la finalité, c'est une œuvre qui mérite qu'on y prête attention dans une époque où elle n'a vraisemblablement plus sa place à l'heure du paraître mais la performance reste le challenge de chaque homme qui comme Jacques, par ego, n'ose pas s'avouer sa propre défaite et en appelle même à des phantasmes profonds pour rester dans la course.

Il va falloir que j'ajoute d'autres lectures de GARY à ma PAL !

Le plus difficile était de m'oublier. Mon imagination appelait l'épreuve parce qu'elle la redoutait. Je cherchais à me surpasser par anxiété, pour me prouver que tout était encore possible, et je ne pouvais m'étendre auprès de Laura sans me sentir "obligé" et sans me mettre aussitôt à solliciter mon éveil. C'est ainsi que nous nous étions laissé prendre tous les deux dans un piège où se mêlaient ma crainte d'une abstention par trop prolongée et flagrante et la tendresse de Laura. Je lui avais parlé une ou deux fois de mon "angoisse vespérale" et bien que ce fût toujours sur un ton léger et moqueur qui désamorçait l'aveu, elle ne pouvait ignorer entièrement ce qui me hantait et dont ni elle ni moi n'osions parler franchement par peur du définitif. Mais la part de l'incompréhension naturelle chez une très jeune femme devant ce qui est pour elle comme les plantes et le soleil, un chant spontané de la terre, poussait Laura à une véritable lutte contre les limites de mon corps pour me prouver très tendrement que je n'étais nullement en fin de vigueur et peut-être aussi pour se rassurer elle-même. Car j'avais sans doute et bien malgré moi éveillé en elle un sentiment d'insécurité, de culpabilité et de perte de valeur, la crainte de ne pas être assez excitante qui n'est jamais trop difficile à susciter chez la millénaire servante de l'homme et qui est une telle bénédiction pour les virilités approximatives, lorsqu'il s'agit d'inverser les responsabilités et de sauver l'honneur. Si bien que mon acharnement à nier l'œuvre du temps rencontrait chez Laura une complicité débordante ...

3 commentaires:

  1. je constate que nous avons ressenti un peu les mêmes choses ! J'ai eu du mal aussi au début et après je ne pouvais plus le lâcher !^^

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  2. En tout cas merci de m'avoir orientée sur Romain GARY c'est une belle découverte !! :)

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